Innovation rurale : contribution de la pomme de terre à la sécurité alimentaire dans la Commune rurale de l’Imanan
Rédaction : Ramatou Hassane (actuellement enseignante à l’Université de Tillabéri)
La presse présente généralement les sociétés rurales africaines, en particulier celles de l’Afrique subsaharienne comme étant essentiellement constituées de populations pauvres et vulnérables. Cette approche est largement erronée car, à l’exception des zones de guerres, ces populations subviennent la plupart du temps à leurs besoins essentiels grâce à l’exploitation ingénieuse des ressources disponibles. Elles font preuve de créativité et d’initiatives pour assurer la survie de l’unité familiale, en mettant en œuvre des savoir-faire locaux et de nouvelles pratiques pour s’adapter à la variabilité et la singularité des situations rencontrées. Elles s’adaptent quotidiennement à des milieux changeants.
Dans les zones rurales du Niger, cette capacité d’adaptation et de prise en charge de leur sort par les populations se manifeste par l’adoption de nouvelles stratégies d’exploitation et de nouvelles variétés agricoles. Pour tirer profit de leur milieu, les paysans expérimentent et adoptent de nouvelles cultures, de nouvelles techniques de production, de nouvelles formes d’organisation et de commercialisation de la production. Elles illustrent cette aptitude des communautés rurales africaines à développer des stratégies innovantes pour créer de la valeur ajoutée (Boserup, 1970).
Dans la zone de Bonkoukou, au nord de Niamey, la culture de la pomme de terre en contre-saison participe de cette dynamique. La production de pomme de terre y est devenue une activité marchande qui attire de plus en plus d’acteurs différents : agriculteurs mais aussi fonctionnaires, commerçants, ressortissants, intervenants extérieurs, etc. Elle procure aux populations des revenus substantiels qui leur permettent de faire face aux crises alimentaires provoquées par la précarité de la production agricole pluviale.
Le présent texte tente de montrer comment la pratique de la culture de pomme de terre, dans la commune rurale de l’Imanan, contribue à l’amélioration de la sécurité alimentaire des populations locales. La collecte de données sur sept mois a été réalisée en deux phases. Une première phase de diagnostic de terrain de deux mois (septembre à octobre 2011) a permis l’identification des villages producteurs et l’élaboration de l’échantillon. La seconde phase s’est déroulée sur cinq mois, de décembre 2011 à avril 2012. Les données ont été collectées au moyen d’une enquête diagnostic et d’observations directes portant sur les itinéraires techniques, l’approvisionnement en plants et la commercialisation de la production de pomme de terre.
I - Contexte de l’étude
1. Sécurité alimentaire, vulnérabilité alimentaire et insécurité alimentaire : des concepts liés
2. Population et milieu physique de la commune de l’Imanan
II – Les facteurs de diffusion de la culture de la pomme de terre
La commune rurale de l’Imanan est caractérisée par l’importance de la production de pommes de terre en monoculture et son rôle économique en tant que culture de rente.
1. Les déterminants de l’adoption et de l’expansion de la pratique de la culture de pomme de terre dans l’Imanan
En 2007, A. Bonkoula et al. (2007) ont estimé la production de pomme de terre entre 1.000 et 1.400 tonnes pour toute la région de Filingué dont l’Imanan fait partie, mais en 2012, ce sont 4.547,725 tonnes de pomme de terre qui ont été produites dans la seule commune rurale de l’Imanan. On a donc assisté à un véritable boom de la pomme de terre et aujourd’hui l’adhésion massive à cette culture de pomme de terre fait qu’elle représente 87,91 % du total des superficies irriguées pour 93,05 % de la production maraîchère totale. Les paysans tiennent pour la plupart des exploitations maraîchères entièrement emblavées en pomme de terre. Certains ont abandonné les autres spéculations.
2. Des facteurs liés aux évolutions et événements locaux
Des facteurs locaux ont contribué à impulser la dynamique de production de la pomme de terre : l’évolution démographique, les crises climatiques, le rôle de la coopérative maraîchère de l’Imanan dans la réduction des contraintes de production et de commercialisation, le rôle des projets de développement, l’utilisation de la motopompe, l’ouverture de nouvelles voies de communication.
3. Englobant et intensification maraîchère : les conditions à l’expansion de la culture de pommes de terre
- a. Rôle des projets de développement
- b. Utilisation de la motopompe
Ce n’est qu’à partir de l’an 2000 que la motopompe a réellement commencé à être adoptée dans le village de Bonkoukou. Les motopompes ont été reliées aux puits et aux forages, introduits dans la zone en 2007 par des foreurs-puisatiers venus de la région orientale du Niger. Pour réaliser un forage, il faut compter entre 30.000 et 45.000 F CFA en fonction de la profondeur de la nappe et de l’épaisseur des tuyaux. Une motopompe coûte environ 75.000 F CFA. Ces deux nouveaux moyens d’exhaure ont bouleversé la culture de la pomme de terre. Ils ont permis de la produire sur des parcelles de plus grande dimension. De ce fait, le recours au salariat agricole temporaire et permanent s’est accru. De nouvelles formes de contrats entre les exploitants et les salariés sont apparues et les différenciations sociales et économiques ont été amplifiées entre les exploitants maraîchers. Par manque de moyens, les petits producteurs continuent d’irriguer à l’aide de puisards, tandis que ceux qui sont relativement aisés peuvent acquérir des motopompes et agrandir leurs domaines.
- c. Rôle de la capitale, Niamey
Reliée à Bonkoukou par une route bitumée sur 145 km (route Niamey- Filingué), Niamey, la capitale a joué un double rôle dans l’expansion de la production de pommes de terre dans l’Imanan. Elle est à la fois le pôle d’approvisionnement et de consommation.
III - Impact de la production de pomme de terre sur la sécurité alimentaire locale
1. Des tubercules grillés aux frites : la pomme de terre dans l’alimentation locale
2. Les revenus de la pomme de terre : les garants d’une sécurité alimentaire
Conclusion : La production de la pomme de terre présente un intérêt certain pour les paysans de l’Imanan. Avant son expansion, la subsistance des populations dépendait en grande partie de cultures pluviales aléatoires. L’insuffisance des productions de mil et de sorgho avait pour conséquence une insécurité alimentaire chronique. Sur le plan de la satisfaction des besoins vivriers, cette zone est devenue autosuffisante et même excédentaire grâce à la culture de la pomme de terre. Ainsi, la sous-zone de Kochilan, située au sud de la commune, qui était la plus vulnérable du fait du morcellement important des champs et de la diminution de la fertilité des sols, arrive à s’auto-suffire. Selon les autorités communales, elle est de moins en moins demandeuse d’aides alimentaires. La pomme de terre est devenue non seulement une solution aux crises alimentaires endémiques mais également une source de revenus qui est en train de bouleverser positivement les pratiques sociales. Elle fournit des moyens pour les mariages, pour l’enrichissement personnel et inverse la tendance séculaire de la propension des populations à l’exode. Toutefois, tous les groupes sociaux ne profitent pas de la même façon de la culture de la pomme de terre. Seuls ceux qui peuvent mobiliser suffisamment de ressources (main-d’œuvre, capital et eau) peuvent valoriser la production. L’accès limité à l’eau (la profondeur de la nappe phréatique varie entre 9 et 20 m de profondeur) ne permet pas aux populations des plateaux et à celles situées en aval de la commune de profiter de cette production, tandis que certains groupes comme les femmes ne disposent pas d’assez de ressources financières pour investir dans l’achat d’intrants. La culture de la pomme de terre est donc à la fois facteur de développement et d’accroissement des inégalités, au Niger comme ailleurs.
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Référence électronique
Ramatou Hassane, « Innovation rurale : contribution de la pomme de terre à la sécurité alimentaire dans la Commune rurale de l’Imanan », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 270 | Avril-Juin 2015, mis en ligne le 01 avril 2018, consulté le 02 septembre 2016. URL : http://com.revues.org/7396 ; DOI : 10.4000/com.7396
Éditeur : Presses universitaires de Bordeaux
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