RNA au Niger

Régénération naturelle assistée au Niger : l’état des connaissances.

Tougiani Abasse, Moussa Massaoudou,Habou Rabiou, Soumana Idrissa, Dan Guimbo Iro / Centre Régional d’Enseignement Spécialisé en Agriculture (CRESA) - Université Abdou Moumouni – Niamey – Niger) / 2023.

Cette étude a été réalisée dans le cadre du programme Working Landscape de Tropenbos International, financé par le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas.

Face à la dégradation de l’environnement et à la forte pression foncière, les agriculteurs des zones densément peuplées, et notamment du centre-sud du Niger, ont intensifié leurs systèmes de production agricole. Ils l’ont fait en augmentant le nombre d’arbres et d’arbustes dans leurs champs, créant ainsi de nouveaux parcs agroforestiers dont l’échelle dans les régions de Zinder, Maradi et Tahoua est d’environ 5 millions d’hectares (Cotillon et al., 2021).

Ce reverdissement n’est pas basé sur la plantation d’arbres. Depuis le milieu des années 1980, les agriculteurs protègent et gèrent la régénération naturelle des arbres et des arbustes sur leurs terres cultivées. De nombreuses études montrent que la régénération naturelle gérée par les agriculteurs a permis d’augmenter les rendements des cultures de 31 à 350 kg/ha et d’assurer la sécurité alimentaire des familles, même pendant les années de sécheresse. Mais les rendements céréaliers restent faibles et ne suffiront pas à nourrir une population en croissance rapide.

Les études montrent également que, grâce à la vente de bois de chauffe et de bois de service, la RNA augmente les revenus de toutes les catégories sociales, même les plus vulnérables (hommes, femmes et jeunes). La taille des arbres dans les champs a par ailleurs réduit les distances parcourues par les femmes pour collecter le bois de chauffage. La RNA a également augmenté la disponibilité de fourrage pour les agriculteurs et les agropasteurs, les ménages pratiquant la RNA récoltant 30 à 45 kg de fourrage par jour.

Les économistes n’ont pas encore été en mesure d’exprimer les multiples impacts en termes monétaires, mais les études sur les coûts et les avantages de la RNA indiquent toutes qu’il est économiquement rationnel d’investir des ressources dans cette pratique. Les coûts sont modestes (pas d’équipement et peu de travail) et les bénéfices sont importants. En conséquence, la couverture arborée a été maintenue sans incitations externes (par exemple, nourriture ou argent contre travail), un résultat qui distingue la RNA des projets de plantation d’arbres à grande échelle où la gestion par les agriculteurs s’est terminée lorsque les incitations externes ont pris fin.

Les paysages agroforestiers sont créés à grande échelle grâce aux décisions prises par quelques centaines de milliers d’agriculteurs. Une étude comparant les densités d’arbres dans les régions du centre-sud a révélé que sur 2 % de la superficie, les densités ont légèrement diminué entre 2005 et 2014, mais que sur 23 %, elles ont augmenté de manière significative au cours de la même période (Cotillon et al., 2021).

L’augmentation du nombre d’arbres et d’arbustes par hectare a permis d’accroître la production de litière. Cela améliore la structure du sol et permet de stocker de plus grandes quantités d’eau. L’ajout de litière contribue également à améliorer la fertilité du sol. Plusieurs études ont montré que les arbres peuvent améliorer de manière significative la fertilité chimique des sols et créer des conditions propices permettant une plus grande intensification grâce à une utilisation judicieuse des engrais minéraux. Certaines espèces, qui dominent souvent la régénération, comme Piliostigma reticulatum, Guiera senegalensis et Combretum glutinosum, ont un impact positif sur la teneur en éléments chimiques (carbone, azote et phosphore disponible).

Depuis la fin des années 1980, les agriculteurs ont commencé à percevoir qu’ils avaient un droit sur les arbres de leurs propres exploitations. Cette perception a conduit à une participation accrue des communautés locales à la gestion de leurs ressources naturelles, qui a été renforcée par la politique de décentralisation de l’État. Ainsi, la politique forestière est passée d’une gestion exclusive des arbres par l’État (1960-1980) à un décret présidentiel publié le 30 juillet 2020, qui reconnaît que les arbres plantés ou régénérés appartiennent au producteur. Cela permettra d’encourager les agriculteurs à investir plus volontairement dans les arbres de leurs champs et d’améliorer les perspectives d’avenir des jeunes.

Télécharger l’étude RNA, 65 pages, 2,9 Mo.

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