Note sur la situation phytosanitaire de la culture du poivron dans la région de Diffa
La culture du poivron est la principale source de revenu des producteurs agricoles de la vallée de la Komadougou dans la région de Diffa. La production de poivron concerne une bande de 150 km de long et 25.000 à 30.000 personnes s’y investissent. Les revenus du poivron permettent notamment aux familles concernées d’acheter une partie des céréales dont elles ont besoin dans une région structurellement déficitaire. C’est donc une culture de rente mais avec une forte implication dans la sécurité alimentaire de la région.
En 2009, selon la Direction Régionale de l’Agriculture de Diffa, la culture du poivron a occupé 7.300 ha avec une production 126.000 tonnes de poivron frais pour un rendement de 17 tonnes/ha. Comme pour les cultures d’oignon ou de souchet, la culture du poivron demande des investissements importants (préparation des sols, intrants, irrigation et main d’œuvre). Une grande partie de ces charges d’exploitation est financée par le crédit, le plus souvent auprès des commerçants qui sont remboursés sur les premières récoltes. Dans les conditions normales, les producteurs peuvent faire de 5 à 8 récoltes en fonction de la croissance des plantes. Dans les conditions normales, ces récoltes leur permettent de rembourser leurs dettes et d’obtenir un revenu appréciable pour d’autres charges familiales (habillement, nourriture, cérémonies).
Mais la culture généralisée et régulière du poivron entraine une très forte pression parasitaire et, malgré des traitements phytosanitaires, nombres d’exploitations ne peuvent faire que 2 à 4 récoltes, ce qui compromet la rentabilité de la culture.
En plus, lors de cette campagne 2010 – 2011, les poivrons ont été attaqués par des ennemies de culture encore non identifiés à ce jour. Selon les producteurs, ces attaques ne sont pas dues à l’araignée rouge (qui avait fait des ravages en 2009 – 2010), ni aux pucerons quin bien que très présents et néfastes cette campagne, sont parfaitement connus.
Selon les producteurs, cette nouvelle « maladie », qu’ils appellent affectueusement « SIDA », n’a vu le jour que durant ces deux dernières années. Elle n’est pas spécifique au poivron et d’autres cultures de familles différentes sont également touchées, laitues, choux, aubergines, courges, etc., mais à des degrés variables.
Cette « maladie », dont l’agent causal n’est pas encore déterminé, se manifeste par un desséchement de la feuille du poivron causé par la destruction de la racine. Avec cette situation les producteurs ne peuvent faire qu’au maximum trois récoltes, ce qui a des conséquences sur le rendement donc sur les revenus des producteurs.
Selon Monsieur Bagalé Ousmane de Kayowa, sur son exploitation de 2,9 ha il avait produit plus de 150 sacs de 17 kg de poivron séché l’année dernière, avec 4 récoltes. Cette année, avec 3 récoltes, il n’a eu que 80 sacs malgré qu’il ait mis vingt sacs d’engrais de toutes catégories (urée et DAP).
L’arrêt de la production après la troisième récolte permet juste aux producteurs de rembourser leurs crédits et les empêche d’obtenir un revenu significatif. Dans ces conditions les producteurs sont toujours maintenus dans un système de dépendance vis-à-vis des prêteurs (commerçants, mutuelles privés etc.)
Aussitôt alertée, la Direction générale de Protection des végétaux a dépêché une mission conduite par deux phytopathologistes (Monsieur Moumouni et Madame Kabilla) pour vérifier le phénomène ainsi décrit, et faire des prélèvements afin d’identifier cette « maladie ».
La Chambre Régionale d’Agriculture de Diffa, le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) et la Direction régionale de la Protection des végétaux ont accompagné cette mission dans les localités de Boulongouri et Kayowa. La mission a prélevé des échantillons des poivrons atteints qui seront analysés à Niamey. Les producteurs attendent donc les résultats avec impatience.
Les attaques phytosanitaires que rencontre la culture du poivron ont de graves conséquences sur la production et le revenu des producteurs. Pour la CRA c’est un problème majeur pour le développement de la région et l’amélioration des revenus des producteurs.
Ce problème n’est actuellement pas bien maîtrisé par les producteurs et il est important de revoir l’ensemble des conseils techniques à apporter à ces derniers : politique de rotation des cultures, diversification, matières actives à utiliser et périodes d’utilisation, seuils de déclenchement des traitements, techniques de traitement, qualité des produits, etc.). Une culture comme le poivron demande plus de maîtrise technique et un appui conseil performant et professionnel dans un milieu « aquatique » particulièrement sensible.
C’est pourquoi, la Chambre Régionale d’Agriculture compte proposer la tenue d’un atelier sur la protection phytosanitaire de la culture du poivron en mai 2011. Cet atelier aura pour objectif de faire le point sur l’état des connaissances en matière de lutte contre les ravageurs et maladies du poivron et sur les conseils techniques à proposer aux producteurs. Cet atelier a pour ambition de rassembler à Diffa l’ensemble des spécialistes et personnes ressources pouvant se mobiliser pour apporter leurs appuis aux producteurs de poivrons, et à leurs organisations professionnelles, pour une plus grande maîtrise de la culture.
Le RECA appuiera la CRA dans la préparation et l’organisation de cette rencontre capitale. Cet atelier permettra à la CRA de Diffa et aux services techniques de renforcer le dispositif d’appui conseil pour une plus grande efficacité des traitements phytosanitaires de la culture du poivron. Si besoin, les possibilités de mise en place d’une équipe pour la recherche action seront discutées.
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