Les terres communautaires

Les terres communautaires… ou terrains de chefferie, terres pastorales, ressources forestières…

Rédaction : Florence Bron-Saïdatou et Seyni Souley Yankori / RECA.

Le terme de « terres communautaires » n’apparait pas dans l’ordonnance n° 93-015 fixant les principes d’orientation du Code Rural. Pourtant, ce terme est couramment utilisé pour parler de certaines ressources foncières et ces terres existent réellement.

Les « terres communautaires » correspondent à des terres coutumières ayant un mode de gestion particulier. Selon les textes de loi, ces terres se retrouvent sous différents statuts, notamment terres vacantes, ressources forestières, terres pastorales.

Ces différents statuts sont plus ou moins compatibles, ce qui pose des problèmes pratiques de gestion de ces terres, pourtant très importantes pour le monde rural, puisqu’elles recouvrent à la fois des terres agricoles cultivées, les réserves foncières et les terres pastorales et/ou forestières.

1. Qu’est-ce que les « terres communautaires » dans la coutume ?

Il est difficile de présenter la « coutume », car il existe en réalité une grande diversité de coutumes, selon les contextes. Nous allons néanmoins essayer de décrire ce que représentent les « terrains de chefferie » dans la coutume, avec tous les risques d’imprécision et d’inexactitude que cela comporte.

Dans les villages, les terres communautaires sont réparties en deux espaces :
- Les terrains de chefferie cultivés : ce sont les terres attribuées par le chef de village pour l’agriculture contre paiement d’une dîme, leur usage est agricole et exclusif (pendant la période de culture, seules les personnes qui les cultivent en ont l’usage) ;
- Les terrains de chefferie non cultivés : ce sont les terres non cultivées, leur usage est collectif et multiple (pâturage, cueillette, ramassage du bois, etc.). Ce sont sur ces terres que des terres peuvent être attribuées pour l’agriculture.

La gestion de ces terres communautaires varie selon les régions. Dans certaines régions, le chef coutumier n’intervient pas dans la gestion : les personnes qui souhaitent cultiver ces terres s’y installent sans rien demander. Dans d’autres régions, le chef attribue des droits de culture sur les terres communautaires non cultivées. En contrepartie, une dîme lui est versée à la fin de la récolte, cette dîme marquant le fait que la personne qui utilise la terre n’en est pas propriétaire. La dime est utilisée par le chef pour ses besoins personnels et pour assister les populations du village en période de soudure notamment. Une partie de cette dime est reversée au chef de canton en signe d’allégeance. On parle alors de « terres de chefferie ». Ces terres sont sous l’autorité du chef de village ou du chef de canton.

Traditionnellement, les terres communautaires ne se vendent pas. A la mort du chef, ces terres sont transmises non pas aux héritiers du chef, mais au chef qui lui succède. Ce mode de succession montre bien que le chef coutumier n’est pas propriétaire de ces terres, il semble être plutôt mandaté par la communauté pour gérer ces terres. Par ailleurs, la dîme perçue sur ces terres est utilisée traditionnellement pour venir en aide à la communauté en période de soudure. Ces terres semblent donc constituer une sorte de « domaine coutumier communautaire ».

Cependant, on constate à l’heure actuelle que certaines familles de chefferie disposent de ces terres, les vendent et donc se considèrent ou sont considérées comme propriétaire de ces terres. Il est délicat de transposer des dispositions anciennes de la coutume, dans le contexte actuel qui est totalement différent. Dans les années 60, la propriété coutumière ne permettait pas de vendre, ce n’est plus le cas maintenant. Aujourd’hui, la dime est parfois utilisée par la famille du chef sans redistribution. On peut donc se demander si la vente de ces terres par les chefs coutumiers ou le partage de ces terres entre les membres des familles de chefferie constitue une réelle évolution de la coutume ou un abus dans la gestion.

Quoi qu’il en soit, l’ensemble de la communauté coutumière (des habitants du village) et même des éleveurs de passage ont des droits d’usage sur ces terres.
Il faut noter que, dans certains villages ou cantons, les terrains de chefferie non cultivés n’existent plus. La zone pastorale n’a pas non plus de terrains de chefferie : les terrains de chefferie concernent les zones cultivées, autrement dit en théorie au Sud de la limite Nord des cultures.

2. Ce que disent les différents textes de loi sur les « terres communautaires »
- 2.1. Loi n° 61-030 fixant la procédure de confirmation et d’expropriation des droits fonciers coutumiers dans la République du Niger
- 2.2. Loi n° 62-007 supprimant les privilèges acquis sur les terrains de chefferie
- 2.3. Ordonnance n° 93-015 fixant les principes d’orientation du Code Rural
- 2.4. Ordonnance n° 93-028 du 30 mars 1993 portant statut de la chefferie traditionnelle du Niger et loi n° 2008-22 du 23 juin 2008 modifiant et complétant l’ordonnance n° 93-028
- 2.5. Loi n° 2004-040 du 8 juin 2004 portant régime forestier au Niger
- 2.6. Ordonnance n° 2010-029 relative au pastoralisme

Commentaires :

Ce retour sur les textes montre bien la complexité dans la gestion de ces « terres communautaires » qui correspondant à des terres cultivées sur lesquelles une dîme est payée au chef de village, la réserve foncière des villageois et les terres pastorales.

Dans les textes de lois, ces terres relèvent de différents statuts : terres vacantes, terres pastorales, forêts, ressources forestières ou terres attribuées par l’autorité compétente en pleine propriété. Selon ces statuts, ces terres sont gérées par différentes administrations et, les cadres de collaboration n’étant pas fonctionnels, l’information circule assez mal entre les institutions.
Dans la gestion coutumière, ces terres correspondent à un seul ensemble, géré par le chef de village (ou de canton), pour la communauté.

La loi reconnait aux chefs coutumiers le droit de gérer les terres agricoles et les terres pastorales selon la coutume. Les « terres pastorales » relèvent du domaine public de l’Etat et ne devraient pas changer de vocation. Dans le même temps, les chefs coutumiers conservent leurs prérogatives qui leur permettent d’attribuer des parcelles sur ces terres pour l’agriculture.
Il existe donc des droits concurrents, si ce n’est contradictoires, sur les « terrains de chefferie » ou « terres communautaires ».

Les terres pastorales des éleveurs sont la réserve foncière des populations sédentaires.

Dans un contexte de faible pression foncière, cette concurrence entre les droits ne posait pas de problème : même si des terres étaient attribuées pour l’agriculture, il en restait suffisamment pour les autres usages, et notamment le pâturage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : ces deux usages entrent directement en concurrence.

Enfin, la question de la « propriété de ces terres » se pose : est-ce la communauté coutumière qui est propriétaire de ces terres ou la famille de la chefferie ? Traditionnellement, il semble que c’est la communauté coutumière qui était propriétaire de ces terres et c’est d’ailleurs ce qui est repris sous différentes formes dans les textes de lois de différentes époques, y compris dans les textes sur la chefferie traditionnelle de différentes époques. Aujourd’hui, on observe un glissement vers une propriété familiale, voire individuelle, du moins pour certains chefs traditionnels.
Cette évolution est-elle validée par la coutume ? Ou résulte-t-elle d’un abus ? Il existe en effet des droits d’usage sur ces terres (cueillette, ramassage du bois, pâturage), comment sont-ils pris en compte dans un cas de vente ?

Il semble donc important de remettre à plat la question du statut de ces terres. En effet, la multiplicité des statuts et, de ce fait, des interprétations de ce statut, fait que des décisions sont prises (par exemple la vente de ces terres), bien souvent de manière irréversible sans prendre en compte ni l’ensemble des droits existants sur ces terres, ni l’intérêt général.
Deux aspects doivent être pris en compte : l’ensemble des droits fonciers existants et l’intérêt général.

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