Pastoralisme en Afrique de l’Ouest

Vers une prospective régionale sur le pastoralisme en Afrique de l’Ouest.

Cette note de synthèse a été rédigée par Roger Blein (Bureau Issala) avec l’appui de l’équipe technique d’Inter-réseaux (Décembre 2015).

Elle a été largement enrichie de contributions de plusieurs membres et partenaires d’Inter-réseaux, qui ont contribué à sa finalisation. Nous souhaitons remercier en particulier Catherine Le Côme (SNV), Bernard Bonnet (IRAM), Patrick Delmas (RECA Niger), Arnaud François (Acting for Life), Christian Corniaud (CIRAD), Apollinaire Ragounandea (AVSF) ainsi que l’ensemble des participants de la rencontre de juin 2015 qui ont échangé sur le contenu de cette synthèse. Cette synthèse a été réalisée avec le soutien de la Coopération suisse.

L’élevage pastoral et agropastoral est un des enjeux majeurs en Afrique de l’Ouest sur le plan de l’intégration régionale dans ses multiples dimensions. Alors qu’une approche résolument régionale des perspectives de l’élevage est cruciale pour penser et construire son avenir, se développent au contraire des visions nationales qui tournent souvent le dos aux réalités, à la diversité, aux complémentarités et au potentiel de la région, ainsi qu’aux trajectoires historiques des différents systèmes d’élevage.

Des visions contrastées sur le devenir du pastoralisme

Beaucoup de travaux et programmes sont engagés pour faire évoluer la situation à court terme. Mais la plupart tentent de gérer les problèmes tels qu’ils se posent aujourd’hui, avec une très faible anticipation des enjeux à moyen et long termes. Or, à ces échéances, on voit clairement se dégager deux grandes visions du côté des politiques publiques :
- Les pays sahéliens enclavés entendent rester de grands pays d’élevage en raison de l’importance du sous-secteur (emplois, revenus, gestion des territoires arides, exportations) et de ses avantages comparatifs. Les Etats cherchent les voies d’une intensification de la production, et du développement de la transformation, pour exporter de la viande à plus forte valeur ajoutée que le bétail vif. D’où les stratégies d’implantation d’abattoirs, de maîtrise de la chaine de transports de produits réfrigérés ou congelés, etc.
- Les pays côtiers affichent la ferme volonté « d’en finir avec la transhumance transfrontalière » qu’ils jugent archaïque et uniquement porteuse de conflits, et de réduire le coût des importations d’origines régionales et internationales pour satisfaire la demande nationale. Ils développent des stratégies conçues dans un cadre de raisonnement national, tournées vers la promotion des productions nationales (ruminants, porcs et volailles), dans une vision centrée sur l’auto-approvisionnement.

Ces deux visions, outre qu’elles apparaissent contradictoires, minorent les bénéfices tirés de l’exploitation des complémentarités des bassins de production, ignorent la contribution de l’élevage à l’intégration régionale des productions et des échanges et sous estiment l’importance des multiples dimensions des échanges (commerciaux, sociaux et culturels, mais aussi les impacts en termes de fiscalité et de développement économique local au niveau des localités des pays côtiers notamment dans les zones de transit, les zones d’accueil et dans les zones d’activités commerciales (marchés à bétail transfrontaliers) induits par les transhumances et la commercialisation. D’une façon plus générale, ces visions ne prennent pas en considération la multifonctionnalité de ces systèmes d’élevage.

Le débat sur le devenir du pastoralisme n’épargne pas les organisations d’éleveurs, en premier lieu l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (APESS) et le Réseau Billital Maroobé (RBM).

Le RBM est engagé dans le plaidoyer en faveur du pastoralisme, dans la sécurisation du foncier pastoral et la reconnaissance des droits des pasteurs, ainsi que dans la promotion de nouvelles modalités de sécurisation de la mobilité pastorale, prenant en compte les évolutions du contexte régional. Il est en particulier très actif dans le domaine de la gestion des transhumances transfrontalières, en mobilisant les autorités politiques nationales et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)6. Il est mobilisé, toujours dans la perspective de la réduction de la vulnérabilité des pasteurs, dans la promotion d’une composante « Aliments du bétail » au sein de la Réserve Régionale de Sécurité Alimentaire, et définit actuellement un programme pilote soutenu par la CEDEAO. Le RBM cherche ainsi à préserver les piliers fondamentaux des systèmes pastoraux en les adaptant et en mobilisant les décideurs pour adapter les règlementations.

La réduction de la vulnérabilité est aussi au cœur de l’action de l’APESS née il y a 25 ans. Défendant « une vision centrée sur la promotion d’un élevage familial moderne de vie pour une société de bienêtre », l’association travaille sur la modernisation de l’élevage à travers l’exploitation familiale. Deux piliers fondent sa stratégie d’intervention : (i) l’alimentation du troupeau via la fauche et la conservation du foin pour la saison sèche, ainsi que la sélection pour améliorer la productivité et réduire la pression sur les ressources ; (ii) la connaissance, via la formation et l’alphabétisation des éleveurs et de leurs enfants, leur permettant de se réapproprier leurs savoirs et de reprendre confiance. L’APESS estime que « Tout change dans ce monde, et nous, les éleveurs, ne pouvons pas être les seuls à ne pas devoir changer ! ». Dès lors, la semi sédentarisation et l’innovation sociotechnique sont considérées comme les voies d’une adaptation à l’évolution du contexte.

Les deux organisations, complémentaires dans leurs démarches et approches, sont très actives, suite au Colloque de Ndjamena, dans la construction et désormais la mise en œuvre du PRAPS, le Projet Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel initié par la Banque Mondiale et le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Elles ont milité en faveur d’un programme équivalent pour les pays côtiers et s’impliquent actuellement dans sa définition.

Sommaire
- 1 Propos liminaires et finalité de la note
- 2 Quelques points de repères sur les tendances récentes

  • 2.1 La multifonctionnalité des systèmes d’élevage extensifs
  • 2.2 Le poids économique de l’élevage
  • 2.3 Pastoralisme, territoires et ressources naturelles
  • 2.4 Les interactions agriculture-élevage
  • 2.5 L’intégration aux marchés
  • 2.6 Systèmes d’élevage et sécurité alimentaire

- 3 Les transformations en cours
- 4 Les nouveaux défis qui se posent à l’élevage
- 5 Vers un changement de paradigme
- 6 Pourquoi engager une analyse prospective ?
- 7 Les grands enjeux à traiter
- 8 Les connaissances au service de la prospective

Cliquer ici pour télécharger la note Lire la note sur le site web d’Inter-réseaux-Développement rural, 32 pages, 4 Mo

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