Initiatives environnementales au Sahel : paysannes engagées ou instrumentalisées ?
Marie Monimart, Marthe Diarra Doka / Article publié dans la Revue Grain de sel / N°82-83 : Environnement et agriculture, meilleurs ennemis ? / 29 novembre 2022.
La lutte contre la désertification est amorcée depuis une cinquantaine d’années au Sahel et les femmes s’y sont très tôt impliquées. Pourquoi ? Comment ? Avec quels bénéfices et quelles conséquences sur leur place aujourd’hui ? Engagement ou instrumentalisation ? Regard sur cinq décennies d’actions des femmes au Niger sur ces questions.
Extrait / Des observations récentes au Niger (septembre 2022) montrent que l’expertise des femmes en matière de récupération des terres est largement reconnue. Elles travaillent sur les terres de la famille et sur celles d’autrui. Les savoirs sont transmis aux filles et aux fils. Cette activité est devenue une des premières activités génératrices de revenus féminines en saison sèche. Mais l’épineuse question du droit foncier demeure : sauf s’il s’agit de champs de femmes pérennes (comme le gamana chez les Haoussa) ou de champs collectifs féminins, les femmes ne profitent pas de ces aménagements pour leur propre production. À l’Ouest, en pays djerma, elles se voient attribuer tous les ans des parcelles différentes sur des terres marginales qu’il leur appartient d’améliorer et qui retournent ensuite dans les champs familiaux. Le bénéfice de ce travail est indirect, mais c’est aux femmes que sont reconnus le rôle et l’expertise de préserver la fertilité des champs familiaux. Cette même tendance s’observe en prêt aux femmes sur des terres familiales dégradées (glacis) en région haoussa. Les femmes réhabilitent consciemment les terres familiales, “parce qu’elles appartiennent à nos fils“. Juste ou injuste ? C’est une autre question.
Les emprises féminines se desserrent du foncier de l’agriculture pluviale, car il semble que se dessine un nouveau partage hommes-femmes des terres familiales, non plus dans l’espace, saturé, mais dans le temps. Aux hommes, la terre en hivernage pour les cultures pluviales, céréalières surtout ; mais aux femmes aussi, la terre en saison sèche pour les cultures de contresaison.
Mais cette stratégie devient de plus en plus pénible et aléatoire, et les jeunes sont fortement demandeurs de parcelles irriguées dans les nouveaux aménagements. Les projets exigent de plus en plus que les parcelles y soient sécurisées par écrit pour les femmes, avant aménagement. Néanmoins, la place des femmes dans la culture irriguée reste faible. Elles peinent à passer de la petite irrigation traditionnelle aux parcelles irrigables où le prix du foncier est hors d’atteinte pour la plupart d’entre elles. Elles sont donc dans le prêt ou la location, pour des spéculations vivrières et de rente, demandées par les villes qui grandissent et dont les modes alimentaires changent.
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Revue Grain de sel / N°82-83 : Environnement et agriculture, meilleurs ennemis ?
L’Afrique fait face à des enjeux climatiques et environnementaux à la fois urgents et prioritaires : récurrence d’évènements climatiques extrêmes, dégradation accélérée des terres, concurrence accrue pour les ressources naturelles et le foncier, baisse des rendements agricoles et insécurité alimentaire, érosion côtière, migrations climatiques, risques sanitaires et insécurité croissante. Ce numéro met en avant des analyses, des expériences et des témoignages d’acteurs investis dans la recherche de réponses à ces enjeux.
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